La société hollandaise Eminent, fondée en 1923, était un vendeur – et non un fabriquant – d’orgues et d’harmonium qui avait connu une forte croissance dans les années 50 et 60. Fort de ces succès, en 1969, la société se lance dans la fabrication de son premier modèle. Le résultat arrive en 1972, le modèle 310 Unique.
Doté de deux claviers (42 notes de Do à Fa en haut, 44 notes de fa à Do en bas) et d’un pédalier, de réglages assez conventionnels des orgues (longueur de tuyaux de 16′ à 4′ pour les sons du clavier supérieur, 8′ et 4′ pour le calvier inférieur, 16′ et 8′ pour le pédalier), le 310U diposait aussi d’un réglage “Sustain” (ou “Maintien” dans la langue de Molière), qui permettait de rendre le son plus “percuttant”, d’un équalizer (appelé “Timbre”), d’un vibrato et d’un générateur de réverberation interne.
Mais ce rendait le 310U si particulier – et si novateur pour l’époque – c’était la présence d’une String Section et d’un Orbitone.
La String Section, ou section de cordes, qui venait se substituer aux réglages du clavier supérieur, et était doté de 8 boutons, qui permettaient de générer toutes sortes de sons de cordes, certes très synthétiques, mais doté d’une véritable profondeur, profondeur renforcée encore par la présence dans la section d’un bouton “SUST” qui dupliquait les réglages et élargissait encore le son… Le rendu était fabuleux et unique à cette époque (les “string machines” genre ARP Solina ou Freeman String Symphonizer sont apparus plus tard).
L’Orbitone, quant à lui, proposait une sorte de trémolo / chorus à deux vitesses qui permettait de traiter séparément les différentes sections de l’instrument (haut, bas, sustains…) avec ou sans délai.
Le 310 fut aussi commercialisé en version Theatre, incluant des rythmes préprogrammés (Waltz, Samba, Slow Rock, Chacha) qu’il était possible de combiner.
Comme tous les instruments trop en avance sur leur temps, l’Eminent 310U ne connut pas de grand succès. A sa décharge, c’était une instrument lourd, très lourd, aussi lourd et encombrant qu’un Mellotron M300. Quelques musiciens cependant optèrent pour le 310U…
… et parmis eux, le plus célèbre est bien entendu Jean-Michel Jarre, qui s’en servit beaucoup tout au long de sa carrière et continue toujours de l’utiliser, faisant parfois passer le son de l’Eminent au travers d’un effet d’écho analogique pour lui donner encore plus d’épaisseur et de relief. Un très belle machine, typique du “son” Jarre et indissociable de celui-ci.
Eminent se rapprocha par la suite du fabriquant américain de synthétiseur ARP et les aida à mettre au point le Solina, la plus fameuse des “strings machines” de cette époque (encore utilsée récemment par le groupe français Air). En échange, Eminent inclut des sections “synthétiseur” monophoniques dans les successeurs du 310U. Dans les années 80, la firme subit de plein fouet l’arrivée des orgues portatifs bon marché (Casio, Yamaha, Technics). En 1982, Eminent, au bord du gouffre, est reprise par quelques investisseurs, mais la situation ne s’améliore pas et la firme met la clef sous la porte en 1984. Elle est recréée deux mois après sous le nom de Verkoopmaatschappij Eminent Orgels BV (à vos souhaits !), avec des effectifs très réduits (20 personnes, alors quand l’effectif était monté jusqu’à 400 !). La société existe encore de nos jours, sous le nom Eminent BV, et fabrique des orgues de très bonne facture commercialisés sous les noms Eminent, Johannes et Aalborn.
Article rédigé par Knarf the Dwarf.
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