21 octobre 1971, Opéra de Paris, Palais Garnier
Jean Michel Jarre donnera son premier concert dans un lieu pour le moins prestigieux, puisqu’il s’agit de l’Opéra de Paris. Jean Michel a pour coutume de dire qu’il a “commencé sa carrière de musicien là où d’autres la termine”. Il participe en effet au ballet nommé AOR (“lumière” en hébreu), qui comporte une partition classique, avec orchestre symphonique, percussions solo et surtout, musique électro-acoustique, une première en ce lieu.
Cette soirée de danse et de musique est proposée au public le 21 octobre 1971, pour fêter la fin des travaux de l’Opéra, le retour du corps de ballet et l’inauguration du plafond décoré par Marc Chagall.
Igor Wakevitch, un compositeur de musique contemporaine et Norbert Schmucki, un chorégraphe, tous deux âgés d’une vingtaine années, forme avec Jean Michel un trio de jeunes gens unis dans ce projet un peu fou. Wakevitch a côtoyé Jean Michel au GRM et Schmucki a repéré le fils de Maurice Jarre dans le cadre du festival d’Avignon. Ils ont tous un désir de proposer quelque chose de nouveau et décalé en partant de thèmes déjà connus.
Le “casting” que passe Jarre devant Bernard Lefort, le directeur de l’Opéra de Paris, pour que sa participation soit entérinée, est surréaliste. Le lyonnais pose sur le bureau de ce dernier un ampli et lui passe une bande de sons expérimentaux. À la fin de cette séance très particulière, le plus surpris des deux, c’est sans doute Jean Michel lorsqu’il obtient l’accord de jouer dans ce temple du classique ! Seul contrainte, les hauts-parleurs de Jarre seront recouverts d’une peinture dorée pour mieux s’intégrer sous les lustres de l’Opéra (sic). Privilège supplémentaire, ce travail pour l’organisme public permet à Jarre de repousser son incorporation dans l’armée (les fameux “trois jours”.
Pour les répétitions, l’hostilité initiale de certains musiciens de l’orchestre (dirigé par Boris de Vinogradov) est à la hauteur de la peur que le synthétiseur VCS puisse, à terme, les remplacer ! C’est ainsi que les haut-parleurs de Jarre seront débranchés intempestivement à plusieurs reprises. Pendant la soirée, des canettes sont ouvertes pour saboter la représentation.
Les sept tableaux d’AOR correspondent aux sept couleurs de l’arc en ciel. Ils symbolisent aussi les voiles de Salomé, la femme qui séduit Hérode dans le but de décapiter Saint Jean-Baptiste. La scénographie est presque aussi audacieuse que la musique, puisque, à titre d’exemple, la tête de Jean-Baptiste est remplacé par une sphère.
Applaudissements et huées se mêlent à la fin de la représentation. Les trois compères suscitent l’hilarité en montant sur scène avec leurs dégaines mal assurées.
La presse de l’époque est dubitative quant à la pertinence du mariage entre ce qu’ils qualifient notamment de “bruits de motocyclettes” avec le propos ésotérique de la pièce. Ces avis tranchés n’influeront en rien sur la fait que la création d’AOR sera reprise une quinzaine de fois, et que Jarre refera plusieurs fois parler de lui pour de la musique de ballet jusqu’en 1973. Des extraits d’AOR seront proposés aux fans dans les années 2000 sur Internet. Ce sera l’occasion de constater que Jarre a pu recycler certains sons pour des compositions ultérieures (comme Ethnicolor 1 ou Revolution industrielle partie 1).
Liste des instruments utilisés :
• EMS VCS-3
Enregistrements disponibles :
• Aucun
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