Au début des années 60, Robert Arthur Moog (qui se prononce « Mogue ») conçoit et commercialise des Theremin. A l’instar de son ami Donald Buchla, encouragé et aidé par des musiciens comme Herbert Deutsch ou Wendy Carlos (qui s’appelait encore Walter Carlos à l’époque), il se lance dans la conception d’une machine capable de générer des sonorités électroniques.
Il existait déjà depuis les années 50 des studios qui produisaient de la musique électronique : Herbert Eimert au sein de la WDR (Westdeutscher Rundfunk) à Cologne, Pierre Schaeffer dans son GRM à Paris, Luciano Berio et Bruno Maderna à Milan et Vladimir Ussachevsky et Otto Luening à l’Université de Colombia, qui effectuaient des recherches sur les machines fabriquées par la firme RCA. Mais lesdites machines étaient des monstres réservées à une quantité limité d’utilisateurs, leur utilisation nécessite autant de connaissance en musique qu’en électronique et en mathématiques, et les créations sonores qui en résultent étant réservées à une certaine élite amatrice de musique très abstraite.
Moog, Herbert et Carlos veulent développer un instrument de musique capable de créer des sonorités électroniques qui soit plus simple à utiliser que les machines de RCA et qui ne soit pas de la taille d’une salle à manger. Il y parvient en 1964 et présente à la convention de l’AES (Audio Engineering Society) de 1964 le premier synthétiseur « portable » doté d’un clavier, contrôlé par voltage, doté d’un filtre passe-bas et de générateurs d’enveloppe. Devant l’accueil assez enthousiaste du milieu, il développe d’autres circuits pour améliorer son instrument, notamment sous l’impulsion Keith Emerson (futur clavier du groupe Emerson, Lake & Palmer).
Le chorégraphe Alwin Nikolais fut le premier à acquérir un synthétiseur modulaire Moog en 1965. Le compositeur Paul Beaver publia en 1967 le premier disque enregistré avec un Moog. Mais c’est Walter Carlos qui popularisa le Moog avec son célèbre « Switched on Bach », un disque de reprises de Johannes Sebastian Bach entièrement interprétées au modulaire Moog. C’est le premier disque de musique électronique qui rencontra un succès public ; cela fit connaître Moog et ses sonorités si spécifiques. Mais, si certains musiciens et studios acquièrent le modulaire Moog, ce genre d’instrument reste encore très onéreux et très complexe à utiliser pour le grand public. Le succès viendra en 1971 avec une version simplifiée et portable du synthé Moog, le célèbrissime Minimoog.
Dans les années 70, Moog refond complètement sa gamme de modulaire. Les anciens systèmes étaient déclinées en trois séries, «Moog 1 », « Moog 2 » et « Moog 3 » – en fonction du nombre de modules disponibles – auquel on collait la lettre « C » (Cabinet) si le modèle était présenté dans un châssis en chêne destiné à être utilisé en studio, ou de la lettre « P » (Portable) présenté dans un châssis métallique destiné à être transporté plus facilement et notamment sur scène. En 1972, le nouvelle série de modulaires, construite jusqu’en 1981, comprend les modèles Moog 15, Moog 35 et Moog 55 ; ces séries se présentent dans un châssis en chêne.
La différence entre ces modèles tient là aussi dans le nombre de modules. Le Moog 55, le plus gros, en comprend 27 :
– 1 module 921 : Voltage Controlled Oscillator (1.01 Hz à 40 Khz)
– 2 modules 921A : contrôleur de VCO
– 6 modules 921B : Voltage Controlled Oscillator / Low Frequency Oscillator (identiques aux anciens modules 901, mais en plus stables)
– 1 module 903A : générateur de signal aléatoire / générateur de bruit blanc/rose.
– 1 module 914 : banque de filtres 12 bandes (de 125 Hz à 5 kHz), passe-haut et passe-bas
– 1 module 904A : filtre passe-bas 24 dB/octave, LE filtre Moog par excellence
– 1 module 904B : filtre passe-haut
– 5 modules 902 : Voltage Controlled Amplifier (2 entrées, 2 sorties, 3 entrées CV)
– 5 modules 911 : générateur d’enveloppe ADSR (réglable de 2 ms à 10 secondes)
– 1 module 911A : double retardateur de déclenchement
– 1 module 960 : séquenceur 3 x 8 pas
– 1 module 961 : interface séquenceur / synthétiseur
– 1 module 951 : clavier 61 notes
D’autres modules étaient disponibles pour customiser l’instrument, parmis lesquels un générateur en anneau (ring modulator), un sample & hold, un contrôleur à ruban, un joystick…
De tels instruments ne se sont pas énormément vendus, aussi sont ils rares à trouver. Parmis les musiciens qui se sont fendus de quelques dizaines de milliers de dollars, citons Stevie Wonder (qui en acheta trois !), Mike Jagger (qui s’en sépara vite et le céda à Florian Fricke du groupe Popol Vuh), Tangerine Dream, Klaus Schulze et bien sûr Keith Emerson, qui disposait d’un Moog 55 avec tous les modules existants, incluant même un oscilloscope !
Jean-Michel Jarre a utilisé le Moog 55 pour la première fois sur « Zoolook », puis sur divers concerts (notamment le concert à Moscou) et lors de la récente tournée pour les 30 ans d’Oxygène, sous les doigts habiles de Dominique Perrier.
A noter, pour celles et ceux qui voudraient découvrir les possibilités fabuleuses du Moog 55, que l’éditeur français Arturia a commercialisé il y a quelques années de cela une émulation du 55, appelé Moog Modular V (pour Virtuel), qui restitue fidèlement les capacités de l’instrument (sans l’encombrement de celui-ci !) et avec des dizaines de sons programmés par des gens aussi réputés que Klaus Schulze… et un certain Michel Geiss !
Article rédigé par Knarf the Dwarf.
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