Patrick Juvet est décédé le 1er avril 2021 dans son appartement de Barcelone. Si le chanteur suisse avait disparu des charts depuis la fin des années 70 et sombré dans ses addictions et dans les nuits festives, demeure une riche discographie dont une importante part est issue de sa collaboration avec Jean-Michel Jarre entre 1973 et 1977, Tout comme pour Christophe, Jarre assumera le rôle de parolier mais aussi de producteur notamment pour les deux albums Mort ou vif (1976) et Paris by night (1977) enregistrés à Los Angeles. De ce dernier sera extrait le tube intemporel Où sont les femmes ?.
Jean-Michel Jarre a salué la mémoire du chanteur disparu sur ses réseaux sociaux et dans plusieurs médias:
:: facebook.com_jeanmicheljarre ::
:: BFMTV ::
(source : dailymotion.com 01/04/2021)
:: AFP ::
Q: Comment l’avez-vous connu ?
R: “On a fait deux albums, +Mort ou vif+ et +Paris by night+ à la suite d’une rencontre par le biais de sa productrice. Il souhaitait changer de direction, pour en finir avec son image de +chanteur à minettes+ (comme il le disait lui-même, ndlr), de chanteur de variété. Moi, je sortais de ma collaboration avec Christophe. Patrick était obsédé par le disco qui commençait à monter. J’ai proposé qu’on parte aux USA travailler avec les meilleurs musiciens de L.A, ceux de Herbie Hancock. J’ai réuni autour de lui une équipe de +tueurs+, des musiciens fantastiques. Sur +Mort ou vif+, il y avait cette chanson +Papa s’pique et maman s’shoote+ (rires), c’était décalé par rapport à ce qu’il avait fait avant. La maison de disques Barclay m’a dit ensuite +tu as carte blanche+ pour le prochain. On est parti plus longtemps aux USA pour +Paris by night+, dont le morceau-titre est considéré comme un des premiers morceaux de house, il dure 12 minutes. Et puis il y a +Où sont les femmes?+, qui a été son gros tube”.
Q: Il a alors changé de dimension…
R: “Je pensais ensuite à deux options pour lui. Revenir en France, et l’autre voie, c’était de tenter de percer aux USA, où les gens avaient commencé à aimer +Où sont les femmes?+, qui était assez moderne et d’un niveau international. Je lui avais trouvé un groupe de transsexuels américains pour faire le tour des clubs à l’époque. Il m’a dit +c’est un peu trop pour moi car je suis suisse+ (rires). J’avais trouvé ça très drôle, adorable”.
Q: Il assumait complètement son côté efféminé…
R: “Il a été un des premiers à faire son coming-out sur sa sexualité (il se disait bisexuel, ndlr), c’était assez révolutionnaire pour l’époque, c’était quelque chose qui n’était pas assumé dans le milieu de la chanson. Il l’a assumé de façon décomplexée et actuelle, il a contribué à ouvrir cette voie du coming-out, assumer ce qu’on est”.
Q: Pourquoi n’a-t-il pas plus percé au niveau international ?
R: “Il l’a dit lui-même, il n’y a rien de secret. Avec son succès brutal, il s’est brûlé les ailes, il est tombé dans l’alcool, les drogues, les excès, ne s’en est pas vraiment remis. C’est triste: Patrick, c’est un personnage qui est plus profond, plus riche qu’on a pu le penser. Au début de sa carrière, c’était un +chanteur à minettes+, mais il avait une autre ambition, de vraies qualités musicales, c’était un bon mélodiste. C’est une grande perte. Il aura marqué l’histoire de la pop française”.
(source : actu.orange.fr 01/04/2021)
:: franceinfo ::
Patrick Juvet a eu “un destin brisé par un succès qu’il a eu du mal à assumer”, a témoigné vendredi 2 avril sur franceinfo Jean-Michel Jarre, après la mort du chanteur suisse à l’âge de 70 ans. L’ex-star du disco, dont le corps a été retrouvé dans un appartement à Barcelone “a vraiment eu cette vie de star, il s’est brûlé les ailes”, explique Jean-Michel Jarre qui a travaillé avec le chanteur, en composant deux de ses albums.
Patrick Juvet “restera quelqu’un d’important dans ma vie, comme ami, comme musicien, comme collaborateur”, souligne le compositeur. “C’est quelqu’un qui a définitivement marqué une page de la pop musique française.” Jean-Michel Jarre a rencontré Patrick Juvet “à un moment donné où il avait envie de changer son statut de chanteur à midinette, chanteur de variété, pour essayer de faire quelque chose de différent”.
Comme il l’a fait pour Christophe, le musicien “a réfléchi sur la manière dont on pouvait créer des albums qui ne soient pas seulement une succession de chansons. C’est devenu une star du disco après les albums qu’on a faits“. Mais selon lui, “sa carrière aurait pu aller beaucoup plus loin qu’elle n’a été, parce que ça démarrait vraiment très fort. Il aurait pu avoir une grande carrière internationale. Cela avait commencé, notamment grâce aux deux albums qu’on a faits ensemble”.
Pour leur première collaboration sur l’album Mort ou vif, les deux artistes sont partis aux États-Unis, raconte Jean-Michel Jarre, “avec les musiciens d’Herbie Hancock”. Sur l’album figuraient “des tubes comme ‘Faut pas rêver’, ‘Papa s’pique et maman s’shoote’, qui était un hommage à ‘Papa pique et maman coud’, de Charles Trenet, mais plus trash. On sortait vraiment des canons des minettes et de la variété. Viendra ensuite ‘Paris by Night’, avec ‘Où sont les femmes’ qui a été aussi un énorme succès”.
Jean-Michel Jarre souligne encore la voix “très particulière” de Patrick Juvet, “à la Bee Gees, avec un côté ambigu, provoc, qui attirait. Il attirait comme un aimant”. L’ex-star du disco restera “vraiment le personnage glam-rock français”, selon Jean-Michel Jarre. “Je pense qu’on gardera cette image de lui, c’est celle qu’il aurait souhaité qu’on garde de lui.”
Le musicien a aussi écrit les paroles d’une chanson pour Patrick Juvet intitulée L’enfant aux cheveux blancs. “Cela le résume bien”, juge Jean-Michel Jarre. “C’est-à-dire à la fois ce côté sale gosse et gamin et qui, en même temps, charriait une forme de tristesse, de mélancolie, de vieille âme.” Patrick Juvet aura été “finalement, quelqu’un qui a toujours été assez seul, et assez malheureux”, ajoute Jean-Michel Jarre. “C’est ce qui a donné aussi ces fulgurances qu’il a pu avoir à certains moments dans sa vie d’artiste.”
(source : francetvinfo.fr 02/04/2021)
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