Interview sur Téo et Téa (2007)

Téo & Téa (2007)
Téo & Téa (2007)

Extrait d’une interview au magazine Platine en 2007 au sujet de Téo et Téa, Aero et de sa maison de disque Warner.


 

Aero est sorti il y a moins de trois ans, c’est un intervalle normal entre deux albums?
Deux ans et demi exactement. Cependant, si Aero était un projet novateur, conçu en 5.1 et en surround – on en avait parlé ensemble à l’époque -, il comptait quelques nouveaux titres mais beaucoup d’anciens. Ce nouvel album est en revanche mon premier véritable nouvel album dans ma nouvelle maison de disques, Warner. C’est un projet totalement nouveau sur le plan de la composition.

Il n’y a donc pas d’anciennes musiques rebaptisées, comme cela avait été le cas, notamment, avec «La Belle et la Bête», signée pour Lenorman et récupérée ensuite.
Non, tout est nouveau. J’ai d’ailleurs travaillé différemment. Après des années de création grâce à l’informatique – comme beaucoup d’artistes dans le monde -, je suis revenu aux vrais instruments. J’ai repris donc des claviers qui même s’il sont électroniques ne font pas partie du monde virtuel mais bien réel. J’ai fait une cinquantaine de maquettes en un mois, et je suis rentré en studio. Là, j’en ai extrait une vingtaine de morceaux, à partir desquels j’ai finalisé les treize de l’album.

Après l’écriture des morceaux, le temps de production a-t-il été plus rapide que d’habitude ?
Je pensais que cela irait plus vite mais au total cela a pris un an, y compris les trois mois entre le moment où j’ai rendu les bandes et le moment où le disque a été pressé. Pour ma part, j’ai travaillé neuf mois, c’est le temps de conception normal d’un enfant. Cet album n’était pas un prématuré (sourire).

L’équipe de production est-elle habituelle? Joachim Garraud, Bruno Mylonas, Francis Rimbert
Oui et non. Francis Rimbert a collaboré à l’album, Joachim Garraud aussi, mais moins que dans les albums précédents. Étant donné que, pour Aero, j’ai commencé à mixer moi-même parce que je voulais quelque chose de spécial – de plus en 5.1 -, je crois que j’ai sauté le pas. J’ai cependant commencé à mixer avec Joachim à Square prod, notamment le premier et le dernier morceau de l’album, «Fresh news» et «Téo et Téa 4.000 am», mais comme il était très pris par l’album de David Guetta et par son propre projet, j’ai continué seul dans mon propre studio.

Vous mixerez donc désormais tous vos albums.
Aujourd’hui, je crois que le mixage fait partie intégrante du processus de composition : c’est un peu comme diriger un orchestre. L’autre nouveauté pour moi est qu’après une période sombre sur un plan personnel comme professionnel – j’ai changé de maison de disques dans des conditions un peu difficiles -, j’ai eu, pour cet album, une approche jubilatoire.

Plus fun…
Oui, cet album est plus fun, plus jouissif…

Dans sa production ou dès son écriture ?
Oui, dans l’écriture. On ne peut pas tricher avec ses propres sensations. Quand j’ai commencé à travailler sur mes maquettes, je me suis mis dans une sorte d’état d’urgence, afin que des choses instinctives, intuitives sortent. Et, ce qui est venu, ce sont d’abord les rythmiques, ensuite les mélodies.

Comment avez-vous baptisé les morceaux?
Vous le savez, dans mes albums, je baptise souvent les titres comme l’album en créant des parties numérotées, car, comme on n’est pas dans une logique de chanson, je trouve un peu artificiel de baptiser chaque morceau. Pour «Téo et Téa», cela a été différent. L’album devait s’appeler «Melancholic Rodeo», du nom d’un titre de l’album, mais quand je les ai mis tous à la suite, je me suis rendu compte que ce n’était pas du tout mélancolique, mais que c’était l’évocation d’une relation, d’une rencontre… Et que le besoin de partager avec une âme sœur était la quête de tous les humains, que ce soit un homme avec une femme, un homme avec un homme ou une femme avec une femme, peu importe… En plus, le papillonnage, voire le libertinage, ne sont plus à la mode. Ce qui prévaut aujourd’hui, c’est le partage des valeurs. Les titres racontent donc les étapes d’un couple après la rencontre : «Beautiful agony» a un côté plus sensuel, plus érotique, c’est le moment de la sexualité… «Touch to remember» qui est l’idée que, dans le monde virtuel actuel, on se souvient qu’on est vivant uniquement quand on touche l’autre… «Partners in Crime» évoque Bonnie & Clyde, c’est la déclinaison du couple dans l’idée que tout est possible quand on rencontre quelqu’un, qu’on peut de dépasser… «Chatterbox», c’est le quotidien des gens qui parlent, qui échangent…

Ce terme-là est plus péjoratif, «Chatterbox» signifiant également pipelette.
C’est ironique en tout cas… «In the Mood for love» parle du fait que, dans une relation, il peut y en avoir un avec un élan pour l’autre qui soit non-dit, comme derrière une vitre… «Vintage» est un des thèmes les plus repérables mélodiquement, qui permet de se souvenir de l’émotion qu’on a eu le premier jour d’une histoire… «Melancholic Rodeo», c’est l’idée que, dans une relation, il y a des hauts et des bas et qu’il faut garder sa ligne de conduite quand même… Enfin, ««4 heures du matin» c’est la reprise, la fin d’une période et la renaissance, le renouveau, d’une relation qui dure.

Ce dernier album est plus fun jusque dans la pochette, non? Après un «Aero» presque blanc, là, on a une dominante rouge et plein d’autres couleurs…
J’attache beaucoup d’importance au visuel. Pour moi qui n’ai pas de textes, pas de mots, c’est encore plus important. Ce n’est pas forcément une illustration, c’est un contrepoint. On ne voit pas forcément un rapport direct à la première vue mais, profondément, il y en a un. Pour «Oxygène», par exemple, je n’avais pas mis de masques à oxygène et de bouteilles d’oxygène, mais la planète avec un squelette à l’intérieur. Je préfère la parabole ou la métaphore à l’illustration. Pour moi, l’illustration de «Téo et Téa» est un peu cinématographique, un peu David Lynch, avec des rouges sombres, des néons… En revanche le premier clip est complétement différent: c’est un clip en 3D, réalisé par l’équipe qui a fait l’habillage de MTV, une boîte française qui s’appelle Partizan midi-minuit. Ils ont remodélisé en 3D des dances comme le cramp, des vieux films des années 80 de danse comme «Dirty Dancing»… (voir le clip)

Le premier clip d’Aero, le plan séquence sur les yeux d’Anne Parillaud avait été filmé par vous, vous déléguez ici donc plus?
Oui, il faut être conscient de ses possibilités.

Le prochain clip de l’album, s’il y a, sera-t-il également en 3D?
Je ne sais pas, pas forcément… Je le filmerai peut-être moi-même avec mon téléphone portable. En revanche, j’aimerais bien retrouver les personnages de Téo et Téa dans tous les clips…

Est-ce un avantage ou un inconvénient d’être «vendu» par la filiale française aux autres pays du monde?
C’est plus compliqué.

Quels ont été les résultats d’Aero dans le monde ? En êtes-vous content ?
Je suis plutôt content car les chiffres d’Aero doivent être autour d’un million deux cent mille exemplaires dans le monde…

Le résultat en France, en revanche, n’a pas été exceptionnel…
On est double disque d’or, ce qui n’est pas mal, vu l’état du marché qui a baissé de 40%, et par rapport à l’album précédent qui était sorti dans de mauvaises conditions (NDLR: dans la liste des disques certifiés par le SNEP, on ne trouve des albums de JMJ qu’entre 1977 et 1991, rien après).

Vous êtes donc content des résultats d’Aero à l’international comme en France?
Oui, en précisant quand même que je dépends de la personne qui dirige un territoire, c’est-a-dire un marché, un pays ou un groupe de pays. Il y a des territoires où ça se passe mieux qu’avec la maison de disques précédente, d’autres, moins bien.

Les extraits singles sont déjà évidents pour vous ?
Je n’ai pas d’idée précise, même si je peux avoir des opinions personnelles sur le deuxième ou troisième single. J’essaie de ne pas rentrer là-dedans pour garder une fraîcheur artistique, car il y a des morceaux que j’aime beaucoup mais qui ne conviennent peut-être pas au système dans lequel on est. «Vintage» a le potentiel d’un single, il est très fédérateur, encore plus mélodique que le premier extrait qu’on a choisi parce qu’il est plus novateur pour moi. D’ailleurs, je voudrais exploiter «Vintage» sur scène dans des versions plus longues. À l’opposé d’Aero qui était un album – à cause du 5.1 – un peu définitif, sur lequel je ne voulais pas revenir, Téo et Téa risque d’évoluer avec des remixes, et même des inédits que je n’ai pas mis et que je pourrai utiliser pour un pressage spécial, ou sur internet.

Vous sentez quand un album est plus propice aux remixes? A faire danser ?
Cet album-là, pourquoi est-il plus orienté dancefloor? Non pas parce que j’ai décidé d’aller dans cette direction – car j’aurais pu y aller depuis dix ans déjà – mais parce que la rencontre est toujours illustrée par des phénomènes électriques, le coup de foudre par exemple. Cette énergie, je l’ai retrouvée dans des rythmes de dance, de trance, d’électro… propices aux remixes.

Depuis quand n’avez-vous pas eu de titres propices aux remixes? Y en-a-t-il eu un jour?
C’est vrai, ça n’a jamais été dans cette direction-là. En ce qui concerne les versions originales. cependant, il y a pu y avoir des remixes de Souvenir de Chine, d’Oxygène, de Chronologie ou de Métamorphoses… De la chanson avec Natasha Atlas… Mais ces remixes n’étaient pas de moi. Là, ils pourront l’être car c’est un album plus rythmique, conceptuellement, dès le départ.

Ne pensez-vous pas que ce soit moins facile pour une filiale française de major d’exporter, que pour une filiale anglaise ou anglosaxonne, plus habituée à l’export?
C’est exactement ça. Ceci dit, Warner International a décidé aux Etats-Unis de faire de mon nouvel album, comme du précédent, une priorité mondiale. En plus, comme j’ai une véritable histoire avec l’Angleterre, marché leader en Europe, ça m’aide. D’autant plus que ce marché britannique a toujours fait avec moi à peu près les mêmes ventes que la France, ce qui est unique pour un artiste français. Et même pour un artiste anglosaxon! Par exemple, le groupe Pink Floyd, pendant des années, a vendu plus d’albums en France qu’en Angleterre. L’autre avantage, c’est que Warner France n’a pratiquement que moi à exporter. De toute façon, je n’ai pas eu le choix puisqu’on ne peut plus signer directement à l’international aujourd’hui, quelle que soit la major. Les artistes signent avec leur pays de résidence.

Ne pas choisir les singles, est-ce nouveau pour vous? Lié à votre arrivée chez Warner?
Quand je dis que je ne choisis pas, cela ne signifie pas que je ne partage pas la décision.

C’était déjà comme ça avec Francis Dreyfus, votre ex-producteur?
Oui, cela a toujours été partagé. Sans vraiment trop de difficulté.. Aussi parce que je n’ai jamais été un vendeur de singles, ni quelqu’un dont les singles passent à la radio. Je ne suis pas le seul. Il y a d’autres exemples célèbres comme Pink Floyd.

Sans parler d’«Oxygène IV» – un gros succès en single en 1976, il y en a eu d’autres comme «Rendez-vous IV» en 1986…
Oui, mais dans l’album Rendez-vous, on n’a extrait qu’un single. En revanche, dans Téo et Téa, je pense qu’il y aura plusieurs singles.

Est-ce que le premier extrait est le même partout dans les monde? Une major comme Warner doit avoir un côté plus universel qu’un indépendant comme Dreyfus.
Non, car Dreyfus avait tout sous-traité à Polygram International, aujourd’hui Universal, puis à Sony International. Cela a d’ailleurs été bizarre pour moi de signer non pas avec la direction mondiale de Warner, mais avec Warner France. Avant, on était en contact avec Londres ou New-York. La France était pour moi un pays parmi les autres. C’est d’autant plus drôle que Warner est une maison américaine.

Vous n’avez jamais eu envie de partir en Suisse comme Aznavour ?
Non, si Aznavour est parti, c’est pour des problèmes fiscaux, et pas parce qu’il n’était pas content de la SACEM. Cela n’est pas mon cas.

Vous ne vous êtes jamais domicilié à l’étranger pour des problèmes d’impôts ? En Irlande par exemple, quand c’était avantageux ?
Non. J’adore l’Irlande, mas au bout d’un moment, je vais me faire chier sérieusement. Alors, de là à y vivre jusqu’à la fin de mes jours… En plus, à part pour de très, très grosses sociétés, le bénéfice au total n’est pas toujours ce que l’on croit. Je ne connais personne, sauf des artistes qui sont partis pour des raisons autres que fiscales, comme mon père qui s’est installé depuis 40 ans pour des raisons professionnelles aux États-Unis, qui soit heureux. Je n’en connais aucun.

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