Concert d’images (livre, 1989)

Concert d'images (1989)
ISBN: 2-904-732-29-4 – 1989 – Editions Paris audiovisuel – 80 pages – Photographes multiples


L’ouvrage retrace en photos les premiers concerts du musicien, depuis la place de la Concorde aux Docklands. Il a été édité à l’occasion de l’exposition éponyme au Forum des halles en 1989, en tirage limité à 5000 exemplaires plus 20 exemplaires numérotés.

Le livre contient quelques citations de Jean Michel sur son travail, notamment l’édito qui résume les concerts géants:

L’élaboration de la musique a toujours été pour moi proche d’une mise en scène de sons, dune constructions de paysages sonores et il est finalement naturel que j’aie voulu lier un jour cette musique a des lieux, des architectures et des techniques visuelles.
Paris, Pékin, Shanghaï, Houston, Lyon, Londres: villes-prétexte, lieux-détournés, sont l’impossible objectif de ce commando d’un seul soir, d’une seule chnce, qui mélange les musiciens aux météorologistes, les gens de cinéma aux maîtres artificiers, les architectes aux gens de cirque, les divas d’opéra à celles de l’électronique.
C’est l’aventure que l’on risque entre la prouesse et l’incertitude financièr, technique, politique ou climatique.
A travers l’objectif des photographes qui m’ont suivi, à travers les films auxquels j’ai collaboré, à travers les dessins qui ont contribué à la préparation des projets et les instruments que j’ai utilisés sur scène, défilent les images, les couleurs et les sons du temps écoulé: une manière de fixer l’éphémère dans ce cheminement entre les souvenirs et les rêves.

La Concorde: Quand la ville de Paris me demande un concert pour célébrer le 14 juillet 1979, je rêve depuis longtemps déjà, de la place de la Concorde et de ses façades de théâtre à ciel ouvert.
Jamais aucun spectacle n’avait été autorisé à cet endroit auparavant. Quant à ma grande surprise on accepta, je ne le savais pas encore, mais commençait alors pour moi, une autre quête que celle de l’inspiration, la quête des autorisations. Le graal bureaucratique qui est encore aujourd’hui la clef d’insondables jouissances.
Depuis ce 14 juillet 79, chaque fois que je passe place de la Concorde je sens les murs qui le regardent.

Les concerts en Chine: Rencontre du milliardième type, la lumière irradie sous le vaisseau-coupole, atterrissage sur la planète jaune. Il serait dérisoire de résumer l’histoire de ces rencontres et les émotions qui en découlèrent: deux ans de négociations, cinq voyages sans aucune certitude d’aboutir, le regard vieux des enfants et des adultes, plein de cette bonté de ceux qui ont souffert.
L’autre côté du miroir du monde, là où nos reflets ont tous les yeux en amande.
Le son des vélos et des passants comme seule pollution sonore des immenses avenues de Pékin, les portraits de Mao remplacés un par un par les fantasmes de Sony ou de Toyota.
Le taï-chi, cette gymnastique au ralenti, que les vieux font entre les pousse-pousse e les trams, au milieu des boulevards de Shanghaï, qui semblent vouloir attraper l’espace et arrêter le temps.
Ces rires et ces larmes toujours étouffés, mais omniprésents d’un milliard d’individus.
Cette ombre chinoise éternelle de l’humanité définitivement mystérieuse et excentrique qu’es l’Empire du Milieu.

Houston: Les plus beaux gratte-ciel, ciel du Texas démangé par la crise de démesure du rêve américain, où les héros voisinent avec les paumés et les chevaux avec les fusées. J’avais devant moi ce que j’avais toujours rêvé, un amphithéâtre de verre et d’acier qui pouvait se transformer pour un soir, en lieu pour un concert tel que l’Amérique n’en avait jamais vu; Et l’Amérique s’installa, occupant les champs, bloquant les autoroutes, avec leurs chaises pliantes, leurs pick-up trucks, leurs skate-boards, leurs packs de bière et leurs sourires.
Le concert était en trois parties: Country space: le mythe du cow-boy, Urban space: le mythe de l’architecte et du pétrolier, Outer space: le mythe de l’astronaute.
Echappée de Rio Bravo, Géant ou de 2001, le héros américain se nourrit toujours d’espace et de solitude.

Lyon: Je reviens vers ma ville natale, ville foetale, ville buccale, à son ambiguïté cabalistique et pontificale, à la rencontre du charisme émouvant du Cardinal Decourtray. Les caves du Vatican s’emplissent de Beaujolais et le Primat des Gaules reçoit un Polonais.
Le pape, suprême astronaute dans sa basilique satellisée, bénira Lugdunum derrière une vitre blindée.
Malgré Nostradamus et les prophéties, Abdallah et les attentats, Barbie et les cauchemars, le concert s’est déroulé sans incident et sans violence.
Dans la moiteur d’un été indien et la ferveur d’un peuple chrétien, entre la religion et la science-fiction, le rêve était là, au bout de mon doigt.

Destination Docklands, que je croyais être l’étape la plus proche, sera la plus inaccessible. A la rencontre de la schizophrénie des insulaires, de cet esprit conservateur et révolutionnaire des fantômes de Dickens et des héros de Blade runner,
A la rencontre de cette île bien vivante, entre la décomposition et la résurrection où les néons de la royauté flashent nuit et jour, sur un pays de chômeurs et de rockeur, une histoire aussi dure que le ciment des docks, frontière absolue entre richesse et pauvreté, entre l’or et le toc,
Un concert annulé, une production devenue gigantesque, l’absurdité de la bureaucratie britannique, Puis la chaleur des applaudissements du public anglais, debout pendant des heures, dans la tempête, je revois ces grues, grands insectes desséchés n’en finissant las de mourir aux pieds des paraboles d’antennes satellites, sous cette pluie qui pourrait vous rouiller même la moelle épinière,
Et puis notre scène porte-avions, porte-illusions dérivant sur le canal bleuté de la télévision.

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