Le “studio imaginaire” de Jean-Michel Jarre à la Philarmonie de Paris (9 avril au 11 août 2019)

Nous vous l’avons annoncé (voir la news), Jean-Michel Jarre est l’un des prestigieux participants de l’exposition “Electro” qui se tient à La Philarmonie de Paris du  9 avril au 11 août 2019. Alors que Daft Punk propose une installation inspirée du clip Technologic (2005), et que Laurent Garnier a concocté 11 mixes inédits qui retracent l’histoire de la dance-music électronique, “Jean-Michel Jarre présente un « studio imaginaire » issu de sa collection personnelle de synthétiseurs rares, rendant hommage aux technologies révolutionnaires qui l’ont accompagné au cours de sa carrière”.

“Très heureux de faire partie de l’exposition ELECTRO à la Philharmonie de Paris à partir de la semaine prochaine (du 9 avril au 11 août). Cette exposition présente l’histoire de la musique électronique pour laquelle nombre de mes collègues et moi-même avons fournis des instruments qui ont compté pour nous pendant ce voyage. J’y ai installé mon studio imaginaire cette semaine, incluant même une réplique de la harpe laser. Si vous êtes en ville, ne ratez pas cet évènement.” (facebook.com/jeanmicheljarre/ 05/04/2019)

Cette exposition unique est l’occasion de toucher du doigt les instruments qui font partie de “la mythologie de la musique électronique” en général et du parcours musical de Jean-Michel Jarre en particulier avec quelques raretés voire des machines uniques spécialement conçues pour le compositeur.

Nous vous proposons une visite guidée de ce projet en présentant les instruments exposés au travers des plusieurs catégories : les instruments uniques que le musicien s’est fait concevoir ;  les instruments mythiques des années 70 utilisés depuis son plus célèbre album Oxygèneles instruments récents au look et aux performances significatifs qui les distinguent des simples synthés avec presets et clavier noirs ; les machines détournées de leur fonction première dans une démarche artistique.


::Les instruments uniques::

La harpe laser (1980)

La première harpe laser a été conçue et fabriquée par l’artiste multimédia Bernard Szajner en 1980. Son principe : des faisceaux laser disposés en éventail sont projetés vers le haut reproduisant les cordes d’une harpe. Quand un des faisceaux est interrompu par la main du musicien, un signal est envoyé à un ordinateur qui déclenche une note.

Jean-Michel Jarre obtient l’autorisation de son inventeur d’emmener cette harpe laser pour sa tournée en Chine en 1981. Depuis, différentes versions améliorées se sont succédées sur scène pour le plus grand plaisir des spectateurs des concerts de Jean-Michel Jarre dont la harpe laser est devenue une de ses signatures. En 2011, il présente un modèle réduit assez similaire à celui exposé (voir photo).

JMJ : “Le gros problème de la musique électronique est de parvenir à représenter visuellement un son qui sort d’une machine. Une trompette on sait quel son va en sortir. Un synthétiseur modulaire, c’est plus compliqué. Il faut donc créer un lien poétique et évocateur entre ce qu’on entend et ce que l’on voit. La harpe laser s’inscrivait dans cette réflexion. ” (lexpress.fr 13/04/2019)

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Le Matrisequencer 250 (1978)

Suite à sa rencontre avec l’ingénieur Michel Geiss, Jean-Michel Jarre lui partage son idée d’un séquenceur analogique basé sur une matrice à fiches. Dès 1977, Michel Geiss conçoit et réalise dans son garage et à ses frais l’imposant instrument qu’il nomme Matrisequencer 250.

Jarre l’acquière immédiatement pour son album Equinoxe et le conserve pour plusieurs albums jusqu’à la fin des années 80. Par la suite, il fera évoluer le concept de ce séquenceur avec la création du Digisequencer puis du Step Sequencer.

JMJ : “Je travaille avec un type extraordinaire, un ingénieur en électronique qui fabrique pour moi les instruments dont j’ai besoin et que nous concevons ensemble. Car les instruments électroniques sont encore relativement pauvres, ou alors impraticables pour en jouer vraiment.” (Rock and Folk 146 03/1979)

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::Les instruments d’Oxygène::

L’Eminent 310U (1972)

L’Eminent 310 Unique est le premier et le plus célèbre modèle d’orgue (il ressemble à un harmomium) fabriqué par la société néerlandaise du même nom dès 1972.

C’est LE son des cordes spatiales de Jean-Michel Jarre sur Oxygène et Equinoxe entre autres ! Il l’a découvert et utilisé dès 1973 au travers de ses collaborations avec Christophe et Juvet.

JMJ : “L’Eminent 310 est simplement le meilleur string ensemble, le son d’Oxygène.” (Oxygène trilogy-Print 2016) “En jouant sur les déphasages, j’arrache à l’orgue une sonorité de “strings” unique qui me sert pour tout ce qui est nappe.” (Keyboards 108 03/1997) “C’est un des instruments fondateurs de ma musique.” (daily.redbullmusicacademy.com 03/05/2012)

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L’ARP 2500 (1970)


L’encombrant synthétiseur modulaire ARP 2500, commercialisé dès 1970, est la réponse de l’Américain Alan Robert Pearlman (ARP) aux premiers succès des instruments de Robert Moog. Un de ses principes est d’avoir en façade des petites matrices 10 x 10 dans lesquelles il suffit de planter des petites fiches pour établir les connections.

Jean-Michel Jarre a connu cet instrument avec Terry Riley en 1972 quand il était assistant au Château d’Hérouville. Ce synthétiseur est cependant peu crédité sur les premiers albums du musicien ce qui laisse à penser qu’il l’a acquis tardivement. Il trônait cependant parmi l’impressionnante collection de machines de la tournée Oxygène en 2007-2008.

JMJ : “Tangerine Dream étaient très Moog, alors que j’étais plus ARP à mes débuts”. (Sound on sound 11/2015). “L’intérêt d’un synthétiseur, c’est de créer ses sons. Ca se fait de manière intuitive, en rentrant dedans, en essayant. (…) Je procédais avec des polaroïds pour mémoriser mes réglages.” (Clavier magazine 1990)

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Le Synthi AKS (1972)

Le Synthi AKS est le successeur du Synthi A, un synthétiseur modulaire portable en forme de petite valise, auquel a été ajouté un clavier avec séquenceur (ou Keyboard Sequencer d’où le “KS”). Il a été fabriqué par EMS à partir de 1972.

Jean-Michel Jarre l’a acheté dès sa sortie pour compléter sa palette de bruits et effets dont le fameux son de soprano qu’il a surnommé Arlette.

JMJ : “C’est un de mes premiers synthés dans une valise très “James Bond”.” (Déjà le retour, France 2, 03/02/1997). “Je l’utilise pour créer des séquences désynchronisées, c’est à dire qui ne tournent pas sur un nombre précis de mesures.” (Keyboards 108 03/1997).

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La ComputeRythm (1972)

La ComputeRythm est la première boite à rythme analogique construite par la firme italienne EKO en 1972. Rarissime car fabriquée à seulement une vingtaine d’exemplaires ! Le nom quelque peu abusif de “computer” est dû à son lecteur/enregistreur sur cartes perforées.

Jean-Michel Jarre ne l’a utilisée que dans les années 70 car elle est devenu obsolète dès les années 80.

JMJ : “La première boite à rythmes programmable, très rare, (…) utilisée pour quelques sons de percussions sur le premier Oxygène.” (Oxygène trilogy-Print 2016). “Les lampes correspondent à des sonorités bien précises qu’on peut programmer à l’avance.” (Info Disco – Un sur cinq, Antenne 2, 19/10/1977)

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> Voir aussi la liste exhaustive des instruments d'Oxygène.

::Les instruments récents::

Le Eurorack (1995)

Eurorack est un standard de synthétiseur modulaire, créé par l’allemand Dieter Döpfer en 1995 avec le Doepfer A-100. Le principe est de construire son propre synthétiseur à partir de modules conçus et vendus séparément par différents développeurs mais qui ont les mêmes format (3U), mode de transmission (CV/gate), prises (jack 3,5 mm), etc.

Jean-Michel Jarre a adopté le Eurorack il a quelques années. Parmi les milliers de modules disponibles, ceux d’Erica Synths ont sa préférence. Ils les a utilisés sur l’album Equinoxe infinity.

JMJ : “Erica Synths est une société fantastique qui fournit probablement les meilleurs modules actuellement pour le Eurorack.” (facebook.com/jeanmicheljarre/videos 25/09/2017)

Le Swarmatron (2006)

Le Swarmatron est un synthétiseur analogique conçu en 2006 par la société américaine Dewanatron des frères Brian et Leon Dewan. En plus de son nom et de son look très “vintage”, cet instrument a la particularité d’être munis de deux “ribbon controllers”.

Jean-Michel Jarre a utilisé le Swarmatron sur les albums Electronica 1 et 2.

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Le Blofeld (2007)

Le Blofeld (clin d’oeil au méchant de James Bond) est un petit synthé qui combine trois oscillateurs analogiques virtuels avec une synthèse à table d’onde. Il est édité par la société allemande Waldorf depuis 2007.

L’exemplaire de Jean-Michel Jarre est la version ‘desktop’ (une version clavier existe également). Il est crédité sur les albums Electronica 1 et 2


::Les machines détournées::

Le magnétophone Revox B77 (1979)

Le magnétophone à bandes Revox B77 est commercialisé en 1979 par la société du suisse Willi Studer dont la marque Revox est destinée aux studios amateurs.

Dès ces jeunes années de musicien au GRM, Jean-Michel Jarre utilise la technique du collage de bandes magnétiques mais il apprend également l’astuce de la boucle avec une bande fermée,  tendue sur un pied de micro et lue en continu sur un magnétophone. Par ailleurs, il utilise ces magnétophones pour ajouter des effets de délai notamment pour spatialiser le son de l’Eminent.

JMJ : “A l’époque, il n’y avait pas de séquenceur. (…) Quand vous êtes à 120 BPM, cela fait 2s pour un temps. (…) Avec 38 cm [de bande] par seconde (…) vous calculez la longueur pour une noire ou une croche pour faire votre battement.” (Future Music Magazine youtube.com 09/10/2015)

La pédale Small Stone EH4800 (1974)

La pédale de phasing pour guitare Small Stone a été créée en 1974 par David Cockerell ayant travaillé pour EMS avant de rejoindre la société américaine Electro-Harmonix. Le phaser (ou « modulateur de phase ») est un effet sonore obtenu en filtrant un signal en créant une série de hauts et de bas dans le spectre des fréquences.

Jean-Michel Jarre a eu l’idée de détourner cette pédale d’effet pour guitare en la branchant sur des instruments électroniques.

JMJ : “La Small Stone est une pédale de phasing pour guitare que j’ai utilisée sur mes synthés et autres instruments. (…) Je m’en suis servi sur pratiquement tout : l’Eminent 310, la boite à rythmes Mini Pops et pour beaucoup d’autres effets.” (Oxygène trilogy-Print 2016)

La pédale Electric Mistress (1976)

L’Electric Mistress est une pédale de flanger conçue par David Cockerell pour Electro-Harmonix en 1976. Le flanger est un effet sonore obtenu en additionnant au signal d’origine ce même signal mais légèrement retardé.

Tout comme la Small Stone, Jean-Michel Jarre utilise l’Electric Mistress non pas sur des guitares mais sur des synthés.

JMJ : “L’Electric Mistress est une pédale de flanger pour guitare que j’ai utilisée sur des claviers. C’est un des sons caractéristiques (…) du premier Oxygène.” (Oxygène trilogy-Print 2016)

Site web : www.philharmoniedeparis.fr

Merci à Michaël pour nous avoir aidé à consolider la liste des instruments.

Mis à jour le 19.04.2019

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