Pierre Mourey : des consoles de mixage aux consoles Louis XVI (partie 2)

Suite de l’article publié le 05.11.2014


::Le China Tour 1981::


Une équipe d’une trentaine de personnes s’envole en octobre 1981 de Paris pour rejoindre Pékin, dont Pierre Mourey qui est chargé sur place de la régie des instruments pour les quatre musiciens.

Pierre Mourey : Il y avait Dominique Perrier, qui était aux claviers, et le batteur, qu’on appelait Bunny [Roger Rizzitelli, NDR] qui avaient travaillé avec le chanteur Christophe, et il y avait Frédérick Rousseau, également aux claviers. Je me suis occupé de tout ce qui concernait leurs câblages, et de leur installation, pour chacun des musiciens. Et puis, c’était déjà pas mal parce que les concerts ont été donnés à Pékin et à Shanghai, et qu’il a fallu bien évidemment, en un temps record, tout installer et démonter, et se déplacer. Dès que tout a été prêt, suffisamment en tout cas en ce qui concernait le son, ils ont répété, je crois, le plus qu’ils ont pu… Le réalisateur de cinéma anglais [Andrew Piddington, NDR] a tourné pas mal de plans à ce moment-là, qui ont été mélangés avec des séquences pendant le concert, pour avoir une continuité, une matière à montage.

Parmi les instruments de Jean-Michel Jarre, trône un curieux clavier en forme de voiture. En fait, un orgue Elka customisé…

C’est nous qui l’avions fait, en fait, principalement les gens qui travaillaient toujours à temps complet chez Jean-Michel Jarre. Il y avait chez lui beaucoup de travaux (sa baraque était énorme) d’électricité, de maçonnerie, etc. Donc j’avais 3-4 personnes qui étaient là presque à temps complet, et ce sont eux qui se sont occupés de l’habiller entièrement en miroirs à facettes, et de mettre également des rétroviseurs, des phares, etc. En fait, à l’usage, on s’est rendu compte que la chose était un peu dangereuse puisque, quand on a voulu le brancher, l’installation électrique était un petit peu bizarre, en tout cas pas aux mêmes normes que chez nous. Comme ça fonctionnait en 12 volts, il fallait un transformateur. On avait un transformateur, mais il n’y avait pas de prise de terre. Très rapidement, on s’est rendu compte qu’il y avait du 200 volts qui courait sur l’appareil ! Et les phares, je ne sais même pas s’ils ont été allumés en fait… Disons qu’on a laissé de côté cette… fantaisie.

Et puis, c’est aussi en Chine que Jarre a utilisé pour la première fois la fameuse harpe laser qui avait été conçue par l’artiste audio visuel français Bernard Szajner qui a consenti à lui prêter le concept du curieux instrument.

L’idée était d’avoir une sorte de harpe, avec des faisceaux laser formant les cordes, qui avait des cellules photo-électriques. L’interruption du faisceau déclenchait, par l’intermédiaire d’un petit circuit MIDI, un synthétiseur. Je n’avais pas conçu le schéma, mais j’ai fabriqué le boitier qui était entre les capteurs laser et le synthétiseur. C’était un petit peu, comme toujours, sur la corde raide parce qu’on a installé le boitier quelques heures avant le concert sans jamais avoir eu l’occasion de le tester avant ! Heureusement, il n’y avait pas eu de faute de câblages, ça marchait ! C’était un système un petit peu capricieux, mais je crois qu’il l’a réutilisé par la suite.

Les lasers tiennent d’ailleurs une place particulière dans les concerts en Chine, puisqu’ils sont un des éléments principaux des effets visuels du spectacle.

L’arche laser a été mise en place par Claude Lifante qui s’occupait de tout ce qui était laser. Il fabriquait des dispositifs qui étaient commandés par ordinateur : c’était des petits moteurs avec miroirs sans tain argentés qui se déplaçaient en X et Y donc qui permettaient d’écrire ou de dessiner sur un écran à partir de faisceaux laser. La différence, c’est que jusqu’alors, il avait fait des choses à une échelle plus réduite. Là, il a fallu un tulle énorme qui devait faire au moins une vingtaine de mètres de large suspendu au dessus du public. Il y avait 2 lasers très puissants (qui avaient été loués à une société de lasers optiques en France) : un laser argon et un xénon, je crois. Ils étaient de dimensions gigantesques avec une alimentation grosse comme un frigidaire et qui nécessitait de faire arrêter les usines dans le voisinage immédiat du stade pour avoir suffisamment de courant. Un stade n’est pas du tout fait pour ça ! Le technicien en charge de mettre en fonction les lasers a aussi eu la désagréable surprise d’avoir à réparer un des lasers au dernier moment… Problème : il fallait une pompe à vide à azote liquide pour le réparer. Allez donc trouver ça à Pékin en pleine nuit ! Mais l’intervention d’un des traducteurs nous à permis d’y arriver. Et puis, lors des répétitions, il s’est passé un truc : un programme a totalement disparu et il a fallu le retaper pendant la nuit. C’était un des gars qui s’occupait du Polysequencer [Denis Carnus, NDR] qui a fait ça.

Jarre s’est aussi amusé à concevoir des effets dont les conséquences techniques étaient souvent sous estimées.

Il y avait des petits clins d’oeil. Ce n’était peut être qu’un petit clin d’oeil, mais à mettre au point c’était terrible ! Par exemple, il y a une partie de ping-pong, comme c’était un sport national là-bas. On a trouvé drôle que le son vienne comme si la balle se répercutait à droite à gauche dans le stade. Mais cela voulait dire installer, à chaque fois, 80kg de haut parleurs en haut des gradins d’une salle gigantesque, pour un truc qui dure trois secondes ! Mais tout était comme ça.

Malgré le manque de temps pour flâner, Pierre Mourey a pu saisir l’atmosphère de Pékin et de Shanghai.

Ce qui m’a frappé c’est l’impression, non pas de voyager dans l’espace, mais dans le temps, c’est à dire l’impression de me retrouver dans les années 50. C’était au mois d’octobre, tout le monde était habillé en bleu de chauffe. Il n’y avait pas du tout de vêtements à l’européenne dans les rues. A l’époque, les gens du gouvernement étaient habillés en gris, comme un bleu de travail amélioré, tout gris. Les gens qui appartenaient à l’armée avaient un bleu de travail de couleur verte, et la population en bleu. On ne pouvait pas se tromper : on voyait exactement ce que les gens faisaient dans la vie. L’architecture, évidemment, avait ce côté très stalinien, extrêmement carré, surtout d’un hôtel où on se trouvait. Il y avait très très peu de voitures. Les seules voitures qu’il y avait c’était les voitures des officiels et les taxis. C’est tout. Tout le reste, c’était en vélo ! C’est quelque chose de très surprenant une ville d’une importance comparable à Paris où il n’y avait que des vélos, avec évidemment des coups de sonnettes permanents. Et puis le matin dès 4h et demie – 5h, vous voyez tout le monde dans la rue en train de faire une gymnastique d’assouplissement, soit du tai chi, soit simplement des exercices pour se dérouiller. Le fait qu’il n’y ait pas d’oiseau, ça aussi c’est un truc qui m’avait surpris. Aucun chant d’oiseau, ni à Pékin, ni à Shanghai. C’était un silence total partout.

On a eu un petit peu de temps pour se promener. Il y a eu la visite officielle à la Grande Muraille. Ca, c’était effectivement intéressant. Mais en dehors de ça, on a passé évidemment beaucoup de temps à installer la scène jusqu’à très tard le soir, donc je n’ai pas eu vraiment l’occasion de sortir, sauf quand on était à Shanghai. Dans les rues de Shanghai, j’avais l’impression d’être un petit peu un extra terrestre ! C’est à dire que la totalité des gens se retournait sur nous parce qu’on était les seuls européens. En plus, je me baladais, je me souviens, avec Michel Geiss qui a les cheveux légèrement roux et ça avait un effet pour eux !

Le public, nombreux, des cinq concerts est passé par différents sentiments : curiosité, surprise, déchaînement…

En fait, un pays qui était resté fermé sur lui-même pendant pas mal d’années découvrait d’un seul coup qu’il avait autre chose que ses cercles fermés. Je crois que le seul spectacle qui avait eu lieu avant venant de l’occident, c’était une représentation de Carmen. Les salles étaient combles à chaque fois. C’était des salles qui étaient immenses. Je crois qu’à Pékin il y avait 20 000 places, peut être un peu plus à Shanghai. Le prix du ticket devait être de 1 yuan. 1 yuan, à l’époque, ça valait 1 franc. C’était quand même une somme non négligeable mais qui avait été calculée pour qu’il y ait quand même le plus grand nombre qui puisse avoir accès aux concerts.

Le public était très surpris parce que d’abord, comme toujours, dans un spectacle de Jarre, il y a sa musique et puis il y a un aspect visuel qui est 50% de l’effet total. Et imaginez-vous un pays où on n’a jamais vu ce que c’était qu’un laser par exemple, on comprend que ça faisait un effet. Ces sons n’existaient pas, cet aspect électronique était totalement nouveau. Et la réaction des gens… Je pense qu’il avaient dans l’ensemble plutôt apprécié, mais ils étaient un peu surpris parfois. Notamment, je me souviens d’une réflexion que nous avait faite un traducteur très sympa qui était souvent avec nous : au début du concert, il y avait une note très grave, continue, avec une nappe faite avec un balayage laser ; c’était comme une mer de nuages. Les musiciens rentraient les uns après les autres, s’installaient et commençaient à jouer sur cette note continue. Or, [les spectateurs] avaient apprécié d’une façon un peu mitigée parce que cette note continue, permanente, leur rappelait le bruit d’un bombardier ! Et puis cet aspect de fumée, de laser, etc. leur faisait plus penser à de la magie noire qu’autre chose ! Il y avait pour eux références soit à un aspect historique particulier, soit à des croyances, à des choses culturelles qui n’étaient pas du tout celles qu’on avait en tête quand on avait mis ça au point.

Et puis quand arrivait Jean-Michel Jarre, ils ne savaient pas qui c’était, en fait… Parmi les quatre musiciens, ils n’avaient pas compris que celui qui arrivait en blanc et qui était plus éclairé que les autres, c’était l’artiste principal. Donc, ce sont des petites mises au point qui se sont faites au 2ème ou 3ème concert : une speakrine célèbre de là-bas a présenté pour que les choses soient extrêmement claires et établies. Pour nous, c’était évident, mais pas du tout pour le public. Cela dit, le public était parfois très enthousiaste : il y a un moment où Jean-Michel descendait dans le public avec un petit synthé portable qui était relié à un câble (car à l’époque on fonctionnait encore avec des câbles, ça posait un gros problème d’ailleurs), et il invitait les premiers rangs à appuyer dessus pour entendre le son que ça faisait. Là, il y a eu une réaction extrêmement vive des services de sécurité (qu’on reconnaissait parce ce que c’était des mecs qui avaient des brassards rouges sur le côté) qui étaient inquiets parce que, d’un seul coup, il y avait quelque chose qui n’était pas prévu. Ils sont allés voir Jarre après en lui disant : “Ecoute, faudrait éviter ça !”. Les gens étaient comme des fous avec ce truc-là : c’était un objet sur lequel on appuyait et il y avait un son qui remplissait tout d’un coup tout un stade. C’était tout à fait dingue !


::Le mixage de l’album “Les concerts en Chine”::


De retour de Chine, Pierre Mourey participe au mixage du disque dont les ventes sont sensées compenser une partie des frais de production. En particulier, il est chargé de superviser le mastering avec Jack Skinner au studio Sterling Sound de New York. Dreyfus lui paye le Concorde pour un aller-retour dans la journée. Mais c’était sans compter les soupçons des douanes américaines…

Il y a eu le mixage du double album qui a été fait à la suite des concerts. Il y a certaines parties qui ont été modifiées ou rejouées, très peu en fait, parce que, comment dirais-je, ce que l’on fait en tant que musiciens sur scène en direct, ne correspond pas toujours à ce qu’il convient de faire pour une version enregistrée pour un disque. Je vais prendre un exemple : un solo ou un truc comme ca, c’est quelque chose de très visuel qui peut tout à fait convenir devant un public, mais sur un disque, c’est inutile. Ce genre de choses. Il y a eu quelques remaniements de fait, effectivement. Tout a été fait aux studios Ferber pendant un mois et demie. Ca a pris un certain temps. Et puis après, quand tout a été terminé, je me souviens qu’on a fait ce qu’on appelle des masters de gravure sur des bandes quart de pouce. Je pense qu’il y en avait 4, si je me souviens bien, une face par bande.

La gravure, Jean-Michel Jarre a voulu la faire aux Etats-Unis. Ca a été fait, je me souviens, dans un studio de gravure qui était sur la 50ème avenue à New York. A la douane, je me suis fais embarquer les bandes parce qu’il y avait écrit dessus “masters”, plutôt que “essais” etc. Je me suis retrouvé à 8h30 sans rien ! J’avais un contact qui était le cabinet d’avocats qui s’occupait des affaires de distribution de Jarre aux Etats Unis. Ils ont réussi à débrouiller l’affaire et à récupérer les bandes, intactes, en 2 h de temps. J’étais évidemment en retard à Sterling Sound. Il a fallu travailler jusqu’à tard le soir et je n’ai pas pu prendre l’avion comme prévu pour le retour.


::Les albums “Musique pour supermarché” et “Zoolook”::


Pour l’album “Musique pour supermarché”, Pierre Mourey assure à la fois l’enregistrement et le mixage à Croissy avec Jean-Michel Jarre.

Les mixages pour chaque disque ont été fait à l’extérieur, que ce soit aux studios Ferber, ou que se soit en Angleterre ou aux Etats Unis, donc on n’a jamais fait de mixage à proprement parlé dans cette cabine [de Croissy, NDR] ; uniquement de la prise de son. Le seul mixage qu’on ait fait de A à Z dans le studio, c’était effectivement pour l’album “Musique pour supermarché”.

[Jean-Michel Jarre] est venu de façon très épisodique, mais on a enregistré ce disque qui était un petit peu un pied de nez par rapport aux critiques qui se faisaient de sa musique. Et puis, il a eu l’idée de faire un disque à un seul exemplaire, ce qui a été peut être moyennement accueilli par Francis Dreyfus, qui, en tant que producteur et distributeur, se demandait si c’était vraiment utile une telle énergie. Commercialement, c’est vrai que c’était une idée amusante parce qu’on parlait de lui. C’était quelque chose de médiatique, on va dire. Je pense que c’était un petit peu le sens de ce genre de choses. Il a toujours su, comment dirais-je, mettre en valeur son travail de façon originale. Concrètement, il y a eu un fond de gravure, avec une presse unique détruite à grand renfort de média. Je serai curieux de savoir, d’ailleurs, ce qu’il est devenu, l’album.

“Zoolook” se fait dans la continuité de l’album précédent, avec de nombreux apports acoustiques retravaillés. Il marque aussi la fin de la collaboration entre Mourey et Jarre…

On a travaillé dessus, sur tout l’enregistrement. La totalité des morceaux ont été enregistrés et [Jarre] a voulu rajouter dessus, un petit peu comme ça avait été fait pour “Les Chants magnétiques”, des sons acoustiques, des sons d’enregistrements d’un gars qui faisait de l’ethnographie [Xavier Bellenger, NDR], un type qui enregistrait des chants ou des paroles du monde entier. Comme chaque fois, c’est le hasard et la nécessité : il avait rencontré ce type et il s’est dit “Tiens ! ce serait pas mal de mettre telle et telle chose”, etc. Donc, il y a beaucoup d’extraits d’enregistrements qui ont été insérés à l’intérieur de l’album “Zoolook”. Ensuite, il a voulu faire des overdubs, enfin, rajouter des instruments de musique pour remplacer certains trucs qui avaient été enregistrés avec des synthés. Ca, je crois qu’il a dû le faire à New York : guitaristes, trombones, enfin différents instruments qui ont été rajoutés.

Moi, à l’époque, je travaillais à la fois chez lui et je travaillais à la fois dans le cinéma comme intermittent du spectacle dans une société qui faisait des trucages. Vers la fin, quand est arrivé le moment du mixage, je n’avais plus trop le temps de travailler en fin de compte, et le mixage a été fait par un ingénieur du son anglais [David Lord, NDR] qui était un type très compétent. Donc, à ce moment-là, je me suis détaché de lui parce que, aussi pour des raisons personnelles, on ne s’était plus trop entendu. Son mode de travail, comme beaucoup d’artistes, commence à 4h-5h l’après midi, et continue tard le soir, donc à un moment de la nuit où ce n’était pas trop compatible avec ma vie privée. Ca a créé évidemment un clash, et à la suite de ce clash, on ne s’est plus revus. J’avais préparé tout le mixage, c’est à dire tous les scores, pour que l’ingénieur du son ne soit pas perdu.


::Trucages et musiques de cinéma::


Ainsi, dès la fin des années 70, Pierre Mourey décide de s’investir, en parallèle de son activité dans les studios d’enregistrement, dans le monde du cinéma.

J’avais monté avec des amis une société qui s’appelait Excalibur qui faisait des trucages de cinéma. Je n’ai plus vraiment la date précise en tête… Dans cette société, j’avais deux très bons copains qui, comme moi, avaient fait l’Ecole Lumière. Eux avaient fait la section du cinéma, et moi j’avais fait la section du son. On s’était donc connus à ce moment là et on a continué à se fréquenter quelques années, jusqu’au moment où, parce qu’il y en a toujours qui sont là présents, qui font tourner entre guillemets “la boutique” et puis les autres qui travaillent pas trop parce qu’ils ont autre chose à faire ailleurs, ça ne marchait plus du tout.

Dans les années 80, c’était pas ce que c’est maintenant, c’est à dire qu’il n’y avait pas de digital. Il n’y avait même pas d’ordinateur, de PC, à part IBM qui avait un ou deux modèles. Donc, tout se faisait, je dirais, à l’ancienne, avec des trucages, avec des effets spéciaux, des caches contre caches, des trucs comme ça… C’est quelque chose qui demandait énormément de temps, et le domaine particulier où ça pouvait s’exercer, c’était la publicité. On travaillait surtout sur les pubs parce que les longs métrages à l’époque ne voulaient pas entendre parler de trucages : ça faisait très peur aux financiers, ça faisait très peur aux compagnies comme Gaumont ou UGC qui considéraient que dès qu’il y avait des trucages, c’était une prise de risques énorme. Ce qui est vrai d’ailleurs…

Le réalisateur de court métrages d’animations en stop motion (image par image) Jean-Manuel Costa rencontre Pierre Mourey par l’intermédiaire d’un ami commun, Frédéric Grosjean, co-scénariste du court métrage intitulé “La tendresse du Maudit”. Ce film, réalisé pendant les congés du cinéaste entre 1977 et 1979 reste inachevé, en particulier sans bande son, pendant encore 3 ans. Quand Pierre Mourey le découvre, il est enthousiasmé, et propose d’en faire la musique et le son dans le studio de Jarre.

Ca m’a permis d’avoir accès à des consoles, à une possibilité d’enregistrer de la musique. Enfin, de la musique, c’est peut être un bien grand mot, mais en tout cas d’avoir une illustration musicale originale à mettre sur ses films. Et puis, on a eu la chance, je ne sais pas trop comment, d’avoir à deux reprises, pour deux court-métrages [La tendresse du maudit, en 1982, Le voyage d’Orphée, en 1984, NDR], le César du film d’animation. C’était une bonne chose, mais ça ne nous a pas forcément apporté plus. C’était honorifique.

Costa lui donnera d’ailleurs le deuxième… La collaboration entre les deux hommes se poursuivra effectivement pour “Le voyage d’Orphée”, un autre film d’animation, ainsi que pour plusieurs autres projets, notamment pour la publicité.


::L’artisanat de miniatures de collection::


Un peu plus tard, Pierre Mourey se fait commerçant, et ouvre une boutique de jouets de collections et de miniatures à Versailles. Cette activité l’amène bientôt à fabriquer lui-même des miniatures avec succès, au point de devenir, depuis 20 ans, l’un des spécialistes mondiaux en la matière…

En 1987, j’ai eu l’opportunité de récupérer un capital que j’avais et qui m’a permis d’ouvrir une boutique de jouets de collections et de miniatures. Ca a très bien marché au début. Et puis comme j’étais toujours un intermittent du spectacle, j’avais pas mal de temps de disponible quand je n’étais pas sous contrat. Ca m’a permis de me mettre à faire moi-même des miniatures, dans l’arrière boutique. Puisque je vendais celles des autres, je me suis dis : “Mais ça, en fait, je peux tout à fait le faire moi-même”. J’ai donc essayé un créneau, et j’ai fait des meubles à l’échelle 1/12ème : des meubles modernes, des meubles contemporains, de designers, que je reproduisais en miniatures. Parallèlement à ça, je faisais des salons à Paris, mais la miniature n’est pas vraiment une tradition, je dirais, culturelle française, mais plus anglo-saxonne.

Au bout d’un certain temps, ça s’est un petit peu essoufflé, et pour essayer de renouveler le genre, je suis d’abord allé à Londres, au salon de Kensington, qui est un salon très connu pour la miniature. J’ai eu des contacts, des commandes, etc. Et puis après, la vitesse supérieure, c’était aux Etats Unis. J’ai envoyé mon dossier de candidature au salon de Philadelphie, et là, d’un seul coup, ça m’a propulsé. Dans le même temps, l’activité du commerce s’est arrêtée au bout de 6-7 ans, et je me suis mis à faire de la miniature à temps complet : j’ai rencontré des collectionneurs qui m’ont dit : “Est-ce que vous pourriez faire ci ? Est-ce que vous pourriez faire ça ? etc.” et comme j’étais plutôt demandeur, j’ai dit: “Oui !” J’ai donc commencé à faire des meubles de style de la période XVIIIe siècle français, c’est à dire du Louis XV et du Louis XVI.

Aujourd’hui, Pierre Mourey réalise non seulement des meubles, mais aussi des scènes, des instruments de musique, des compositions florales miniatures (voir son site web).


::Le bilan des années Jarre::


Quand Pierre Mourey se prête au jeu de donner son avis sur les 4 albums de Jean-Michel Jarre auxquels il a collaboré, sa préférence va à ceux qui ne sont pas tout électroniques.

J’aime bien “Les concerts en Chine” parce que ce qu’il y a d’intéressant c’est l’apport d’autres musiciens, plus classiques, je pense notamment à Dominique Perrier. Ca donne une note un peu plus conventionnelle dans laquelle on se retrouve plus que dans une musique 100% électronique, même si c’est totalement électronique… Il y a un jeu, il y a une interprétation, qui rendent l’album, à mon sens, plus vivant. Et puis, comme il est lié en plus à un séjour en Chine, ça m’a marqué évidemment bien plus. ”Musique pour supermarché”, je le trouve personnellement pas assez abouti, même s’il y a des morceaux, des thèmes, qu’il a repris par la suite, ce n’est pas ce que je préfère. “Chants magnétiques”, le titre principal, ce n’était pas ce que je préférais, je le trouvais, pour ma part, trop, comment dirais-je, peut être trop commercial.

“Zoolook” n’était pas mal. Il y avait des choses intéressantes parce que, je crois que c’est l’apport de ce qui est extérieur qui enrichit, finalement. Parce que c’est le fait le fait de sa volonté, mais en même temps, il est comme un metteur en scène. Du reste, je m’en souviens très bien, il a dit “Moi, je me considère comme un metteur en scène de sons. Je ne me vois pas comme un musicien mais comme un metteur en scène de sons”. Et là, dans ce travail-là, je trouve qu’il est très bien. C’est quelqu’un qui est suffisamment intelligent, qui ne sait peut être pas toujours où il va, mais qui sait ce qu’il ne veut pas. C’est pour ça que ça prend parfois du temps. Mais tous les artistes fonctionnent un peu comme ça.

De ses trois ou quatre années passées aux côtés de Jean-Michel Jarre, Pierre Mourey garde de très bons souvenirs, professionnellement et personnellement parlant.

Mes années de collaboration avec Jean Michel restent un fantastique souvenir tant du point de vue professionnel que du point de vue humain : Préparer un voyage en Chine au début des années 80 était vraiment quelque chose de très excitant, surtout pour y présenter un concert d’un genre totalement inédit. On avait toujours la tête dans le guidon, on ne m’a pas forcé, mais c’était une expérience tout à fait remarquable, ça c’est clair ! Et je pense que c’est certainement de ma collaboration avec lui, le souvenir le plus intéressant. Il y a des souvenirs de rigolades aussi qui ne sont pas forcément des choses professionnelles. C’est quelqu’un qui aime beaucoup rire.

Il est vrai que, après cette période, je l’ai un peu perdu de vue. Je le vois de façon épisodique, soit quand il passe à la télé, ou quand j’ai entendu qu’il faisait tel concert à tel endroit, etc. C’est très amusant d’ailleurs, chaque fois que je le vois, je me dis “Il ne change pas !” physiquement parlant. Je repense aux gens qu’il y avait à la maison à l’époque. Il était avec Charlotte Rampling à ce moment-là. J’ai revu, un moment donné, ses gamins. Quand je vois quand je les ai connus, ils étaient, comme on dit, hauts comme trois pommes. C’est pour moi, quand même, une période très agréable.

Site web : http://www.moureyminiatures.com

::Vidéo::
Le film “La Tendresse du Maudit” : Voir sur dailymotion

::Sources::
Interviews de Pierre Mourey des 10 & 22.10.2014
http://www.jeanmanuelcosta.com
http://www.mondesetranges.fr
Photos fournies par Pierre Mourey et Jean-Manuel Costa

Remerciements spéciaux à Pierre Mourey pour sa disponibilité et le partage de ses souvenirs.
Merci à Jean-Manuel Costa.

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